Page à la main Éditions Macula

Page à la main


En librairies le 17 avril 2026


Machines célibataires


En librairies le 22 mai 2026


L’art, c’est la vie


L’artiste et écrivaine Else von Freytag-Loringhoven (1874-1927), longtemps oubliée, a été redécouverte à partir des années 1980. Celle que l’avant-garde new-yorkaise surnommait « la Baronne » s’est alors vu attribuer Fontaine, le célèbre urinoir de 1917 signé R. Mutt, même s’il est désormais établi qu’elle n’en est pas l’auteure. À New York dans les années 1910, on admire cette baronne allemande sans le sou pour sa manière d’incarner Dada, dans son travail de modèle comme dans les performances qu’elle improvise hors de l’atelier. Elle écrit aussi : des poèmes, publiés par la revue d’avant-garde The Little Review avant d’être censurés pour obscénité (à côté de l’Ulysse de Joyce dont elle prit la défense), ou un récit autobiographique, qu’elle centre sur sa quête de l’orgasme en réclamant ses sex rights… Ce qui caractérise EvFL (sa signature), c’est que l’art, c’est la vie.

À New York, réunie autour de Marcel Duchamp, l’avant-garde du début du XXe siècle ne se constitue ni en mouvement ni en école. En découle un art sans œuvre ni auteur, soustrait aux règles du marché. EvFL s’inscrit dans ce moment, répondant par ses objets trouvés aux objets « tout faits » de Duchamp, en particulier à l’événement que fut l’urinoir de 1917. En s’attachant à son parcours, on peut relire tout Duchamp, desBoîtes-en-valise jusqu’à Étant donnés.

Alors que l’histoire féministe de l’art vise à introduire une différence dans le canon, il ne suffit pas d’ajouter des artistes femmes à un panthéon de grands hommes. L’enjeu de cette première monographie française consacrée à Else von Freytag-Loringhoven n’est pas de faire admettre une artiste méconnue à la table des grands hommes, mais de redessiner cette table.

Éric Fassin est professeur de sociologie et d’études de genre à l’Université Paris 8 dans le département de science politique. Chercheur affilié Au Sophiapol (Paris Nanterre / Paris 8), il est membre senior de l’Institut Universitaire de France. En 2025, il a publié Les Études de genre (Que Sais-Je ? PUF), La Savante et le Politique. Ce que le féminisme fait aux sciences sociales (avec Caroline Ibos, PUF), et S’engager en sociologue. Entretiens avec Ilana Eloit et Manuela Salcedo (Textuel).

Joana Masó est maîtresse de conférences en littérature française à l’Université de Barcelone et chercheuse rattachée à la Chaire UNESCO Femmes, développement et cultures. Commissaire d’exposition et traductrice de plusieurs ouvrages français sur l’art et le cinéma en espagnol, elle a notamment publié en français, Tosquelles. Soigner les institutions (L’Arachnéen, 2021), La Déconniatrie. Art, exil et psychiatrie autour de François Tosquelles (Les Abattoirs – Musée FRAC Occitanie, 2022) et Nusch Éluard. Sous le surréalisme, les femmes (Seghers, 2024).


Leçons de possession


En librairies le 5 septembre 2025

Podcast de la soirée de présentation du 17 octobre 2025 à la Maison de la poésie, Paris 3e, avec Muriel Pic et Laurent Evrard

Muriel Pic propose un texte inédit sur les expérimentations de drogues par Henri Michaux à l’époque où l’on inventait les médicaments psychotropes.

Henri Michaux (1899-1984), écrivain et peintre parmi les plus connus de sa génération, participe à partir de 1955 aux recherches sur les hallucinogènes conduites à l’échelle mondiale. Pendant des années, il va expérimenter diverses substances – haschich, mescaline, champignons, LSD – sous le contrôle et en collaboration avec l’hôpital Sainte-Anne, le Muséum d’histoire naturelle de Paris ou encore avec les laboratoires pharmaceutiques suisses Sandoz, qui produisent les molécules utilisées à des fins cliniques et thérapeutiques.

La révolution psychopharmacologique aboutit à l’invention de la médication psychotrope et au contrôle chimique du comportement. Cet événement majeur dans l’histoire des sciences est raconté ici du point de vue d’un artiste qui en fut à la fois le témoin et l’acteur.

Muriel Pic se fonde sur les archives inédites des expérimentations sous drogue de Michaux : des notes d’auto-observation d’un incomparable éclat poétique. À partir de ce matériau fascinant, l’ouvrage replace pour la première fois l’œuvre de Michaux dans son contexte en rappelant que ses textes et dessins nés de la folie volontaire ont d’abord été considérés par les médecins comme des documents scientifiques sur l’hallucination.

Cet ouvrage est richement illustré des dessins de Michaux créés sous influence et de nombreux documents issus de ses « archives de la drogue ».

Muriel Pic est docteure de l’EHESS, écrivaine et chercheuse, également réalisatrice, collagiste, traductrice de l’allemand. Elle a publié plusieurs essais sur Henri Michaux, W. G. Sebald, Walter Benjamin et Rosa Luxemburg. Citons parmi ses publications Affranchissements (Seuil, 2020) et Élégies documentaires (Macula, 2016).


Violent America


En librairies le 17 octobre 2025

Westerns, films noirs, films de gangsters ou de guerre : Lawrence Alloway s’appuie sur un corpus très vaste de films américains d’après-guerre réalisés entre 1946 et 1964 et montre que la violence telle qu’elle est représentée au cinéma, si elle s’est exacerbée durant cette période, n’a pas changé de nature. Alloway procède à une étude iconologique des archétypes – anti-héros, femmes fatales, tueurs à gage, personnages désaxés… –, s’attachant à rechercher les conventions régissant les films sans jamais se fixer sur le chef-d’œuvre qui concentrerait toutes les analyses. Pour lui, les films ne sont pas des unica, mais des typica. Dans le prolongement de ses recherches sur la culture pop (il en a inventé le terme), il voit le film, aux antipodes du cinéma d’auteur, comme un produit symptomatique de la culture de masse : il n’est pas uniquement l’œuvre du réalisateur, mais bien de toute une cohorte d’intervenants – acteurs, producteurs, et même le public, dont les attentes sont prises en compte.

Paru en 1971 aux États-Unis, cet ouvrage n’a rien perdu de son intérêt et de son actualité. Le regard désenchanté que son auteur pose, à travers ses films, sur la société américaine – qui a érigé le port d’armes en véritable institution – reste un instrument d’analyse pour comprendre la réalité d’aujourd’hui.

Violent America. Les films (1946-1964) a été publié à la suite d’une programmation de films conçue par Lawrence Alloway. Présentée au MoMA à New York en 1969, cette rétrospective, à l’époque, avait fait date et rendu populaires, voire iconiques, les films projetés. L’iconographie de l’édition originale de 1971 est intégralement reproduite dans cette édition.

Lawrence Alloway (1926-1990), né en Angleterre et largement autodidacte, est l’un des principaux critiques de l’art américain du XXe siècle. Après avoir été membre de l’Independent Group et assistant-directeur de l’Institute of Contemporary Art de Londres, il s’installe à New York en 1961 : conservateur au musée Solomon R. Guggenheim, il y défend les artistes du pop art et présente en 1966 l’exposition Systemic Painting qui fera date dans l’émergence d’une nouvelle scène artistique aux États-Unis. D’abord critique de livres pour le Sunday Times de Londres (1944-1946), Alloway a écrit et travaillé comme rédacteur pour plusieurs revues d’art, dont Art News (1953-1957), Art International (1957-1961), Vogue (1963-1968), Artforum (1971-1976) et The Nation (1968-1981). À la fin de sa vie, il a fait partie du comité de rédaction du Woman’s Art Journal. Il n’a jamais cessé d’écrire de la poésie.


La Révolution suspendue


En librairies le 23 mai 2025

Entre 1918 et 1933, alors que la nouvelle démocratie allemande fait face à la montée du nazisme, la gauche radicale s’organise et développe le concept d’agitprop, un langage et des méthodes qui influenceront durablement le discours sur la photographie. Dans La Révolution suspendue, Christian Joschke nous introduit au sein de la fabrique de l’imaginaire révolutionnaire en s’arrêtant sur différents instruments au service de l’agitprop : le Secours ouvrier international (SOI), l’Arbeiter Illustrierte Zeitung (« Journal illustré des travailleurs ») et les associations de photographes ouvriers.

Créé en 1921 par le militant communiste allemand Willi Münzenberg, à l’origine dans le but de porter assistance aux victimes de la famine en Russie, le Secours ouvrier international est un instrument de premier plan pour faire progresser la cause communiste à l’Étranger. En manque de photos pour en documenter l’action, Münzenberg va créer plusieurs structures : agences photo, maisons d’édition, presse illustrée, dont l’Arbeiter Illustrierte Zeitung, l’un des journaux les plus lus de l’époque, connu notamment pour les photomontages satiriques créés par John Heartfield entre 1929 et 1938. Toujours à la recherche d’images incarnant la cause du peuple, Münzenberg recourra aux services des photographes ouvriers. En effet qui mieux que les dominés pouvaient rendre compte des luttes dans lesquelles ils se trouvaient engagés ?

En retraçant l’histoire des images et de la presse illustrée dans l’Allemagne troublée de la république de Weimar, Christian Joschke fait brillamment revivre tout un pan du militantisme de gauche et de la presse communiste.

Christian Joschke est professeur d’histoire de l’art aux Beaux-Arts de Paris après avoir enseigné à l’Université Lyon 2 et l’Université Paris Nanterre ; il s’intéresse aux rapports entre arts et politique et à l’histoire de la photographie. Il a publié Les Yeux de la nation. Photographie amateur et société dans l’Allemagne de Guillaume II (Presses du réel, 2013) et coorganisé l’exposition Photographie, arme de classe. Photographie sociale et documentaire en France 1928-1936 au Centre Pompidou. Il dirige, avec Olivier Lugon, la revue Transbordeur – photographie histoire société aux Éditions Macula.


Sculpter


En 2019, Gilberte Tsaï a invité l’artiste italien Giuseppe Penone à donner une conférence à l’adresse des enfants sur sa pratique artistique de la sculpture. Elle explique sa première rencontre avec son travail au détour d’un sentier : « Il y a une vingtaine d’années, je me promenais dans le parc du Domaine de Kerguehennec, en Bretagne, et au détour d’un chemin, j’ai vu une sculpture qui m’a beaucoup émue. Un être humain en bronze était en mouvement vers l’avant, on pouvait voir au sol les traces de ses pas, et son corps était traversé par un petit arbre frêle. Cette œuvre, apparaissant comme un symbole de la relation entre les humains et la nature, m’a énormément marquée ; comme cela arrive parfois, on tombe en arrêt devant une œuvre, on se sent très ému, et elle va vous accompagner toute votre vie. C’est la première œuvre que j’ai vue de Giuseppe Penone, elle s’intitulait Un sentier de charme. »

Dans un texte court et précis, Giuseppe Penone explique sa démarche artistique et plus spécifiquement les liens qu’il entretient avec les éléments qui l’entourent tels que l’air, les pommes de terre, les arbres, les courges, les feuilles : « Un travail de sculpture ce n’est pas un travail de parole, c’est un travail de matière, […]. Mon travail, au fond est un travail d’émerveillement, par rapport à la réalité, par rapport à la matière. »

En se concentrant sur la matérialité de la sculpture dans son travail, il nous permet de suivre ses mains et d’entrer – littéralement – dans le bronze, le bois et le souffle du vent. À la fois poétiques et pratiques, ces pages nous emmènent sur les sentiers de l’un des plus saisissants créateurs de son époque.

Giuseppe Penone (1947) est un sculpteur et artiste conceptuel italien né à Turin. Il étudie à l’académie des Beaux-Arts de sa ville natale et y crée ses premières œuvres dans une forêt à l’extérieur de la ville. Associé dès la fin des années 1960 à l’arte povera et connu pour explorer la relation entre les formes naturelles et artificielles, il réalise des œuvres composées d’empreintes de mains faites à partir de clous et de morceaux de plomb attachés à des troncs d’arbres et reliés ensemble avec des câbles de cuivre de zinc.


Les Couleurs du passé


Le passé nous échappe, nul qui puisse le rattraper ni le saisir pleinement. Avec l’éloignement et la mort, le passé est l’une des manifestations ordinaires de cette absence avec laquelle l’image a toujours partie liée. De cette défaillance de la représentation, le mythe de l’origine de la peinture, tel que rapporté par Pline, nous a livré le lumineux modèle : son fiancé s’apprêtant à partir pour la guerre, une jeune fille trace à la craie le contour de l’ombre projetée sur le mur par le visage aimé. Le caractère mimétique de l’image se double aussitôt d’une vertu consolante, en instituant un régime qui s’est déployé sans interruption jusqu’à nous, au point que l’on peut se demander si la jeune fille de Corinthe, en plus de la peinture, n’a pas inventé aussi la photographie et le cinéma avec sa lanterne magique.

Peinture, photographie, cinéma, à quoi viennent se joindre les dernières métamorphoses de l’image sous l’aiguillon des technologies numériques, tels sont les objets que Peter Geimer met ici à la question, en examinant les réussites, les dérives ou les échecs de ceux qui, représentant le passé, ont tenté d’en retenir et d’en ramener quelque chose dans le présent, en donnant ainsi forme à l’histoire. Qu’est-ce qu’un document visuel ? Qu’est-ce qu’une image d’archive et quels sont les usages qu’elle autorise ?

Attention sourcilleuse au détail authentique chez le peintre d’histoire Meissonier, immersion du spectateur dans les grands panoramas de bataille que le XIXe siècle a rêvés comme un spectacle total, photographies et films en noir et blanc qu’on colorise, qu’on anime ou qu’on sonorise dans l’illusion de les rendre enfin « plus vivants ». : de l’analyse de ces diverses pratiques, on conclura que loin de n’être qu’une simple illustration d’un événement historique, toute image est d’abord elle-même profondément enfoncée ou engoncée dans l’histoire. D’où la véridicité et la force de témoignage qui sont incorruptiblement les siennes, quelles que soient les couleurs dont certains, après coup, ont parfois voulu la parer.

Peter Geimer (1965) est directeur du Centre allemand d’histoire de l’art à Paris. Ses recherches portent sur la théorie et l’histoire de la photographie, la représentation visuelle de l’histoire et l’histoire des sciences. Auteur de nombreux ouvrages en allemand, dont a paru en français Images par accident. Une histoire des surgissements photographiques (Les presses du réel, 2018).


Rafistolages


Auteur atypique, grand érudit, Jean-Claude Lebensztejn propose avec Rafistolages un livre romantique sous forme de rêveries.

Ce recueil de textes forme un kaléidoscope impressionnant où sont conviés des figures aussi diverses que Burroughs et ses chats, Marivaux, Kafka, John Donne, Henry James, Giorgione, Charles Bukowski, Paul Klee, Proust et ses rats, Socrate et Platon ; des sujets aussi variés que la peur, la peinture, la traduction, la mort, la poésie, la sexualité. Avec ces morceaux choisis, l’auteur part à la recherche du trésor, d’échos en rebonds, il circule dans les siècles et les domaines pour petit à petit nous laisser voir la forme du tapis.  Parfois jeu de miroir, parfois jeu de piste, les fils se tissent lentement pour nous faire voir des correspondances inattendues ou des rencontres ratées.
Le texte d’ouverture fait état d’une énigme littéraire avec « L’image dans le tapis » de Henry James et d’une énigme picturale avec « La Tempête » de Giorgione. À partir de là, l’auteur mène une enquête autant qu’une quête du vrai et du faux, de la vérité ou de la réalité. Mais il nous rappelle sporadiquement qu’il n’y a peut-être pas d’énigme, ni de vérité d’ailleurs.

Jean-Claude Lebensztejn est Professeur honoraire – Université Paris I – Panthéon-Sorbonne -, il a également enseigné à l’étranger, en particulier aux États-Unis et à Taiwan. Parmi ses nombreuses publications citons : L’Art de la tache : introduction à la « Nouvelle méthode » d’Alexander Cozens, Montélimar, Éd. du Limon, 1990; Miaulique : fantaisie chromatique, Paris, Le Passage, 2002 ; Déplacements, Dijon, Les presses du réel, coll. Fabula, 2013 et aux éditions Macula, Figures pissantes (2016), Servez citron (2020) et Propos filmiques (2021).


Douze dialogues, 1962-1963


En 1962-1963, deux artistes en devenir s’adonnent à un jeu intellectuel : installés à tour de rôle devant une machine à écrire, ils entament un dialogue dont la seule règle est de ne pas se parler pendant qu’ils rédigent. Hollis Frampton n’a pas encore abordé le cinéma expérimental dont il marquera l’histoire au cours de la décennie suivante. Pour l’heure, il est photographe. Ses images, qui accompagnent ces dialogues, font partie des œuvres dont il discute avec son ami Carl Andre. Ce dernier compose des poèmes tout en se livrant à diverses expérimentations tridimensionnelles. Il n’est pas encore le sculpteur dont les pièces minimalistes découperont l’espace en l’occupant au ras du sol. L’un et l’autre se tiennent ainsi au seuil de leur œuvre. Ils réfléchissent intensément sur les arts qu’ils pratiquent, qu’ils côtoient, dont ils héritent. Peinture, sculpture, photographie, cinéma, mais aussi musique, littérature et poésie font l’objet de leurs joutes argumentatives. Ils sont souvent en désaccord et font assaut d’érudition.
À travers ces Douze dialogues on voit s’esquisser leur philosophie de l’art. Édités en 1980 par Benjamin H. D. Buchloh, ils sont ici traduits dans leur intégralité et complétés par une postface qui les situe dans le parcours de leurs auteurs et dans le contexte artistique new-yorkais du début des années 1960.

Historienne de l’art contemporain et spécialiste de l’art américain, Valérie Mavridorakis enseigne à Sorbonne Université, Paris.
Gilles A. Tiberghien est écrivain et philosophe. Il travaille à la croisée de l’esthétique et de l’histoire des arts.