Polichinelle ou Divertissement pour les jeunes gens en quatre scènes
« Ubi fracassorium, ibi fuggitorium – là où il y a une catastrophe, il y a une échappatoire. »
Polichinelle ou Divertissement pour les jeunes gens se déploie sur plusieurs portées. C’est d’abord un livre d’art – le philosophe Giorgio Agamben commente les extraordinaires dessins que Giandomenico Tiepolo composa autour de la figure de Polichinelle. Il regarde au plafond des villas vénitiennes, contemple des fresques à Zianigo et plonge dans les archives du peintre pour dégager entre les gravures et les esquisses de Tiepolo une figure majeure de l’histoire de l’art.
Mais il y a plus.
Les dessins de Tiepolo expriment une dernière manière – le vieux peintre choisit la figure de Polichinelle pour dire adieu au monde des hommes et au monde de l’art. Une dimension autobiographique subtile accompagne ces pages dans lesquelles Agamben se tourne lui aussi vers la question de l’âge et scrute dans Polichinelle un mystère de la vie. Le livre est ainsi ponctué par des dialogues à plusieurs voix où Tiepolo et le philosophe s’entretiennent avec le roi des gnocchis qui répond en dialecte.
Et pourtant, on ne saurait affronter une telle figure avec gravité. Polichinelle, c’est le défi du monde comique au sérieux de la philosophie. Agamben, en des pages inspirées, oppose la tragédie et la comédie au regard d’une philosophie du caractère, de l’action et de la liberté. Comme dans un tableau de Tiepolo, le lecteur est invité à regarder un philosophe regardant un Polichinelle regardant un masque.
Giorgio Agamben (1942) a enseigné la Philosophie et l’Esthétique à Venise. Son œuvre est traduite et commentée dans le monde entier. Un recueil intégral a réuni les 9 volumes de Homo Sacer (Seuil, 2016). Dernières publications en français : Le Feu et le Récit (Bibliothèque Rivages, 2015) ; L’Aventure (Rivages poche, 2016).
Louis David, son école et son temps
David domine de sa stature colossale un demi-siècle d’art français. Chef de file du néoclassicisme, il s’impose à la fois par une carrière jalonnée de chefs-d’œuvre, par son enseignement (cinq cents élèves, dont Gros, Girodet, Gérard, Ingres) et par son engagement politique (élu député, il siège avec la Montagne, vote la mort du roi, devient le grand imagier de l’Empire, et finit sa vie en exil, banni par les Bourbons).
De ce destin, Delécluze est le témoin fasciné et méticuleux. Entré dans l’atelier de David au moment où celui-ci prépare les Sabines, il se destine à la peinture d’histoire, bifurque vers les Lettres, et devient le critique tout-puissant du Journal des Débats. Ses souvenirs forment un précieux tableau de l’atelier : propos du maître, séances de correction, conversations avec Gros ou Girodet. Nous voyons Napoléon s’impatienter pendant la pose… L’ouvrage s’ouvre par un «reportage» à la Convention quand David, «pâle, en sueur», sauve de justesse sa tête après Thermidor.
Un document vivant et passionné sur le rayonnement d’un artiste et de son école que notre époque redécouvre.