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Figura


« On appelle en termes de théologie figure les prophéties ou mystères qui nous ont été annoncés ou représentés obscurément sous certaines choses ou actions du Vieux Testament. »
Furetière, Dictionnaire universel, 1690

« Que doit-on attendre des effets ultérieurs d’une religion qui, dans les siècles où elle fut fondée, s’est livrée à une bouffonnerie philologique inouïe sur l’Ancien Testament : je parle de la tentative d’escamoter aux juifs, sous leur nez, l’Ancien Testament, en prétendant qu’il ne contient que des enseignements chrétiens et qu’il appartient aux chrétiens en tant qu’ils seraient le véritable peuple d’Israël – alors que les juifs n’auraient fait que se l’arroger. […]  Les savants juifs avaient beau protester, dans l’Ancien Testament […], partout où il était question d’un morceau de bois, d’une verge, d’une échelle, d’un rameau, d’un arbre, d’un saule, d’un bâton, cela devait être une prophétie du bois de la croix. »  Nietzsche, Aurore, 1881.
Dans Figura, Erich Auerbach, le grand historien allemand des idées et des formes littéraires, ami de Walter Benjamin et d’Ernst Bloch, retrace l’histoire de « la conception figurative, fondement général de l’historiographie médiévale », depuis Lucrèce jusqu’à Dante. Ce texte décrit avec minutie le mécanisme par lequel Paul et les Pères de l’église ont entrepris de « dépouiller l’Ancien Testament de son caractère normatif et de n’en faire que l’ombre des choses à venir ». Dès lors, « les épisodes les plus cruciaux, les rituels et les lois les plus saints [du judaïsme] ne sont plus que des formes provisoires, des préfigurations du Christ et de l’évangile ».

Professeur de philologie à l’université de Marburg jusqu’en 1935 avant de s’exiler et de poursuivre sa carrière universitaire aux États-Unis (1947-1957), Erich Auerbach (1892-1957) est l’auteur de Mimésis, la représentation de la réalité dans la littérature occidentale (Gallimard, 1968) et, aux éditions Macula, du Culte des passions (1998) et d’Écrits sur Dante (1999).


Le Rituel du Serpent


Il se pourrait que Le Rituel du Serpent soit la meilleure introduction à l’œuvre profonde et singulière d’Aby Warburg (1866 – 1929), le chemin le plus direct pour atteindre le cœur de sa pensée.
Entreprise à vingt-neuf ans, son équipée chez les Hopis nous apparaît comme l’expression spatialisée d’un désir incoercible d’échapper aux confinements, aux conditionnements de son milieu et de sa discipline académique : « J’étais sincèrement dégoûté de l’histoire de l’art esthétisante. » Pour ce spécialiste déjà réputé du Quattrocento, attentif à la grande voix impérieuse de Nietzsche, « la contemplation formelle de l’image » ne pouvait engendrer que « des bavardages stériles ».

Warburg passera cinq mois en Amérique. Il observe, dessine, photographie les rituels indiens. Rentré à Hambourg, il organise trois projections dans des photo-clubs. Puis plus rien. Silence. Il reprend sa vie de chercheur, publie des essais qui feront date. L’épisode indien est oublié, refoulé.
Mais voici qu’en 1923, vingt-sept ans après son enquête chez les Hopis, Warburg, interné dans la clinique psychiatrique de Ludwig Binswanger, à Kreuzlingen, pour de graves troubles mentaux accentués par la guerre, demande avec insistance à prononcer une conférence. Alors resurgissent devant soignants et malades tous les détails du voyage américain : danses, sanctuaires, parures, gestes, habitats, dessins, rencontres ; mais aussi la chaîne d’associations qui, sur le thème ambivalent du serpent – cruel avec Laocoon, bénéfique avec Asclépios, séducteur et mortifère avec les nymphes serpentines de Botticelli ou de Ghirlandaio –, n’a cessé d’entraîner Warburg d’une Antiquité millénaire jusqu’aux pratiques cérémonielles des « primitifs » (et vice versa).

Introduit par l’historien de l’art Joseph L. Koerner, Le Rituel du Serpent s’accompagne du journal tenu par Warburg aux États-Unis, d’un texte de son élève et successeur Fritz Saxl et d’un essai de Benedetta Cestelli Guidi.