Écrits choisis des années 1940 & Art et Culture Éditions MaculaÉcrits choisis des années 1940 & Art et Culture Éditions MaculaÉcrits choisis des années 1940 & Art et Culture Éditions MaculaÉcrits choisis des années 1940 & Art et Culture Éditions MaculaÉcrits choisis des années 1940 & Art et Culture Éditions MaculaÉcrits choisis des années 1940 & Art et Culture Éditions Macula

Écrits choisis des années 1940 & Art et Culture


Clement Greenberg (1909-1994) est une figure essentielle de la critique d’art au XXe siècle. Dire que son premier article, « Avant-garde et kitsch », paraît dans une revue new-yorkaise de gauche à l’automne 1939, alors que le jeune homme rentre d’un voyage dans une Europe sous très haute tension, c’est planter le décor où sa réflexion esthétique s’est façonnée et va bientôt s’affirmer : l’art du vieux continent d’un côté, de l’autre les courants qui se feront jour aux États-Unis après la guerre. Dialogue ou confrontation, le critique ne cessera d’en scruter les tenants et les aboutissants, le jeu complexe des influences, des dépassements, des continuités, des ruptures.

Pour élaborer sa pensée, Greenberg dispose de deux outils formidablement acérés : un regard et une écriture. Sa capacité à traduire avec tant d’exacte justesse ce que son œil sait voir continue d’étonner. Aussi représente-t-il, plus que ses rivaux Alfred Barr, Harold Rosenberg ou Meyer Schapiro, l’emblème du « formalisme américain ». Mais le portrait ne serait pas complet si l’on n’y ajoutait un goût certain pour la dispute. Cette pugnacité, le critique la met au service d’une cause dont il devient le champion : l’art abstrait, tel qu’il surgit sur la scène new-yorkaise dans les années 1940 et 1950, incarné au premier chef par Jackson Pollock en peinture ou David Smith en sculpture. L’importance de Greenberg est donc historique : il est à la fois l’observateur et l’artisan de la bascule qui s’opère à ce moment-là, Paris cédant à New York sa place de capitale artistique mondiale.
En 1961, Greenberg reprend trente-sept de ses essais pour les publier en recueil. Art et Culture met la dernière touche à son image de censeur aux jugements incisifs, péremptoire et arrogant. Le livre suscite un débat passionné et l’on se définira désormais pour ou contre Greenberg, qu’il s’agisse des critiques qui en récusent (Rosalind Krauss) ou en recueillent (Michael Fried) l’héritage, ou des tendances qui se dessinent alors aux États-Unis, art minimal, conceptuel ou Pop Art. Le volume paraît en français en 1988, aux éditions Macula.

En donner aujourd’hui une nouvelle édition augmentée et annotée, c’est d’abord vouloir nuancer cette représentation exagérément rigide. Les Écrits choisis des années 1940 nous font voir une pensée en gestation, ouverte aux repentirs, soucieuse d’affiner son vocabulaire et ses concepts. Greenberg, qui s’est toujours proclamé autodidacte, n’hésite pas à réviser sa copie. C’est ce que montre avec brio l’appareil critique de Katia Schneller, qui révèle, au prix d’une analyse comparative minutieuse, tout ce que l’édifice greenbergien doit à l’exercice du doute. En résulte une image insolite, plus subtile mais toujours vigoureuse : celle d’un intellectuel enthousiasmant et volontiers batailleur.

Katia Schneller est docteure en histoire de l’art, professeure d’histoire et théorie des arts à l’ÉSAD – Grenoble – Valence et chercheuse associée à l’HiCSA de l’université Paris I – Panthéon | Sorbonne, l’EA1279 de Rennes 2 et le CERCC de l’ENS de Lyon. Une partie de ses recherches porte sur l’art et la critique d’art des États-Unis de la seconde moitié du XXe siècle. Elle a publié Robert Morris sur les traces de Mnémosyne (Paris, ENS LSH / Éditions des Archives contemporaines, 2008) et a été codirectrice des ouvrages Au nom de l’art, enquête sur le statut ambigu des appellations artistiques de 1945 à nos jours (Paris, Publications de la Sorbonne, 2013), Investigations, ‘Writing in the Expanded Field’ in the Work of Robert Morris (Lyon, ENS éditions, 2015) et Le Chercheur et ses doubles (Paris, B42, 2016). Elle est cofondatrice de la plateforme de recherche « Pratiques d’hospitalité ».


De la description


Johann Joachim Winckelmann (1717-1768) a inventé la description moderne des œuvres d’art. C’est à partir de lui que le spectateur, libérant sa subjectivité, ses passions, ses désirs prend la première place dans le processus esthétique. Winckelmann met en crise la fiction d’une lecture impassible de l’art. Il scrute l’objet, fouille ses détails, en dit les charmes, reconstitue le Torse mutilé – cependant qu’en retour la sculpture bouscule ses certitudes de connaisseur et d’historien.

Winckelmann observe sur sa personne les effets de cette empathie : « ma poitrine a semblé se dilater et se gonfler. Transporté par une émotion puissante qui me hissait au-dessus de moi-même, j’adoptai, pour regarder avec dignité l’Apollon, un port sublime ». De telles extases ne vont pas sans combats intérieurs. L’auteur ne cesse d’osciller de la norme à sa transgression, de la raison au vertige, de la sublimation à l’effusion. Son impressionnant savoir historique, anatomique, technique est traversé de bouffées désirantes qui s’apparentent à des poèmes, des chants d’amour.

L’homme qui a inventé le motto « Une noble simplicité et une grandeur sereine » pour vanter les mérites de l’art grec est aussi celui dont le regard caresse le modelé de l’Antinoüs du Belvédère ou du Génie Borghèse – et qui en tire des pages inoubliables, comme si l’Éros devenait l’opérateur d’une révolution esthétique.

Pour mettre en évidence ces écarts, ces tensions, ces oscillations, Élisabeth Décultot a pris le parti de présenter, traduire, juxtaposer et comparer les diverses descriptions que « le père de l’histoire de l’art » a consacrées à chacune des trois plus célèbres sculptures antiques : le Laocoon, le Torse et l’Apollon du Belvédère. Spécialiste de la période, Élisabeth Décultot nous offre une réinterprétation radicale de Winckelmann et de son influence sur les modernes, depuis Diderot à nos jours.

Ancienne élève de l’École normale supérieure, Élisabeth Décultot est professeure de littérature allemande à l’université de Halle-Wittenberg (Allemagne) depuis 2015, après avoir été directrice de recherche au CNRS. Ses recherches portent notamment sur l’histoire de l’historiographie de l’art et de l’esthétique en Allemagne du XVIIIe au XXe siècle. Elle a consacré plusieurs ouvrages à Johann Joachim Winckelmann et au classicisme européen.