Le Crime des Lemniennes
Ce livre raconte un crime abominable, dont l’écho revient périodiquement dans la littérature de l’Antiquité : l’extermination de toute la population masculine de l’île de Lemnos par des femmes délaissées, outragées.
C’est ce récit mythique dont Georges Dumézil a entrepris l’étude, en 1924, cherchant à mettre en parallèle les faits légendaires racontés par les poètes et les éléments du rituel lemnien sur lesquels plusieurs auteurs anciens, notamment Philostrate, nous ont laissé des témoignages. Cela le conduit à scruter divers points que les interprètes précédents avaient négligés : le rôle central du feu dans cette île dont Héphaïstos et les Cabires sont les protecteurs ; le motif surprenant de la « mauvaise odeur » des femmes victimes du courroux d’Aphrodite ; le travestissement du roi Thoas qui seul sera sauvé.
Dumézil a écrit là des pages magistrales. En comparant les diverses versions du crime lemnien, en le rapprochant d’autres massacres non moins légendaires, il apporte la preuve que, dans les études mythologiques, seule la comparaison est féconde et permet de sortir des impasses où mène l’exégèse des récits pris isolément.
Georges Dumézil (1898-1986) s’est orienté très tôt vers des travaux de recherche comparative entre les diverses mythologies indo-européennes. La réédition de trois écrits majeurs, réunis en un seul volume (Mythe et épopée, Paris, Gallimard, Quarto, 1995) est venue consacrer le rôle déterminant de cet immense savant dans les études mythologiques du XXe siècle.