Le passé est un événement
Pour quelles raisons s’intéresser à des époques révolues, et dans quel but ? Quel sens le passé peut-il prendre pour le présent à partir duquel nous le percevons ? Passé et présent sont-ils séparables l’un de l’autre et occupent-ils vraiment une place fixe dans le temps ?
À partir de ces questions, qui ont affaire avec la temporalité de la mémoire, deux approches différentes du passé lointain entrent en dialogue : celle d’un archéologue et celle d’une spécialiste de littérature médiévale. Tous deux s’ouvrent aux surprises des correspondances inattendues, et apparaît soudain, sous nos yeux, la manière même dont le passé se manifeste : en faisant événement dans le monde où nous vivons.
Laurent Olivier est Conservateur général du Patrimoine, chargé des collections d’archéologie celtique et gauloise au Musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye.
Mireille Séguy est Professeure de littérature du Moyen Âge à l’Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3.
Le Grand Chant. Pasolini poète et cinéaste
Pier Paolo Pasolini (1922-1975) a marqué l’histoire de la littérature et du cinéma. De ses brûlants poèmes en dialecte frioulan à la littérature engagée des Cendres de Gramsci ou des Écrits corsaires ; de L’Évangile selon saint Matthieu à Théorème et Salò ou les 120 Journées de Sodome sorti quelques jours après son assassinat, sa trajectoire fut dense, multiple, de plus en plus radicale. Jamais tortueuse.
Hervé Joubert-Laurencin, l’un des plus grands spécialistes de la vie et de l’œuvre de Pasolini, offre ici sa monographie la plus informée sur le poète et le cinéaste ainsi que le récit inspiré d’une splendide expérience vitale, d’une hérésie majeure. Après une chronique très complète de l’œuvre littéraire de Pasolini jusqu’à 1960 – première en date en langue française – qui brosse le portrait d’un jeune poète artiste de tous les arts, l’ouvrage fait découvrir, à partir d’archives inédites, un travail de scénariste prolifique en très grande partie inconnu et qui prélude à son œuvre de cinéaste, entamée à quarante ans. Il dessine ensuite une œuvre cinématographique traversée par la littérature tout autant qu’une œuvre littéraire traversée par le cinéma. Dans l’espoir d’en faire entendre le chant : le Grand Chant de Pasolini.
Professeur d’esthétique et d’histoire du cinéma à l’université Paris Nanterre, Hervé Joubert-Laurencin est notamment spécialiste de l’œuvre de Pier Paolo Pasolini, dont il a aussi traduit de nombreux textes. Aux Éditions Macula, ont été publiés sous sa direction Accattone de Pier Paolo Pasolini. Scénario et dossier (2015) et André Bazin, Écrits complets (2018).
Décamérez !
Tout part du désir de voir la vie triompher. Dans son Décaméron, Boccace avait emmené à la campagne une petite compagnie de dix personnes souhaitant tenir à distance la peste noire qui décimait Florence. Chacun, chaque jour, s’était engagé à faire oublier les ravages de l’épidémie par la grâce de la parole et de la musique, à divertir l’auditoire par une nouvelle.
Nathalie Koble reprend le flambeau des conteurs de Boccace en nous livrant une re-création de plus de cinquante nouvelles du Décaméron. Il s’est agi pour elle de retrouver la spontanéité de la « conversation conteuse » pour nous la restituer dans une langue inventive et joyeuse. On l’aura compris, ce Décamérez ! est fortement lié à la pandémie qui a marqué 2020 et au confinement vécu par certains comme un véritable enfermement. À son tour, Nathalie Koble a donc réuni une belle compagnie de lecteurs et de lectrices à qui elle offre ces nouvelles quotidiennes – une par jour de confinement – comme autant de fenêtres ouvertes sur le monde et les hommes.
Des fables polissonnes, gaies, tragiques, exaltantes, affligeantes, où il est question de gelinottes et de chapons, de seigneurs et de palefrois, de baldaquins et de tapis volant, de pierres précieuses et de pirates. Et des amours, heureuses, malheureuses, jouissives, cruelles, partagées, intéressées. La vie en somme, la fenêtre grande ouverte.
Les 55 nouvelles qui composent cet ouvrage sont accompagnées d’une iconographie mêlant savamment miniatures du Moyen Âge et oeuvres contemporaines ainsi que de suggestions musicales de l’auteur.
Nathalie Koble est maîtresse de conférences à l’École normale supérieure (Paris) et à l’École polytechnique (Palaiseau), où elle enseigne la langue française et la littérature du Moyen Âge. Ses travaux portent sur la mémoire inventive de la littérature médiévale (poésie et fictions), et sur la traduction et la pratique de la poésie. Parmi ses dernières parutions : Drôles de Valentines. La tradition poétique de la Saint-Valentin, Genève, Héros-Limite, 2016 ; avec Mireille Séguy, Lais bretons. Marie de France et ses contemporains, Paris, Champion, 2018 et Jacques Roubaud médiéviste (dir.), Paris, Champion, 2018 ; Donner suite. Les Suites du Merlin en prose : des romans de lecteurs, Paris, Champion, 2020.
Tiphaine Samoyault est professeure de littérature générale et comparée à la Sorbonne Nouvelle. Écrivain et critique littéraire, elle a publié une dizaine de récits et d’essais et une biographie consacrée à Roland Barthes (Seuil, 2015). En 2020 elle a publié Violence et Traduction (Seuil). Elle est directrice éditoriale de la revue en ligne En attendant Nadeau.
Médiéval contemporain. Pour une littérature connectée
La médiéviste Zrinka Stahuljak nous présente dans son essai un Moyen Âge empli d’enseignements pour notre propre société. Se penchant à la fois sur l’époque médiévale et sur l’époque néo-libérale, elle met au jour les rapports que nous entretenons aux mots et à la littérature, à leur histoire, et aide à faire comprendre les questions liées à la politique culturelle ainsi qu’à la préservation et au financement du patrimoine. Au fil de ces pages, c’est l’impérieuse nécessité de poursuivre les enseignements de la littérature et de l’histoire du Moyen Âge qui prend forme.
Zrinka Stahuljak enseigne la littérature et la civilisation médiévales à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA). Elle a publié en France L’Archéologie pornographique. Médecine, Moyen Âge et histoire de France (PUR, 2018) et Les Fixeurs au Moyen Âge. Histoire et littérature connectées (Le Seuil, 2021), et aux États-Unis, Bloodless Genealogies of the French Middle Ages (2005) et Medieval Fixers: Translation Across the Mediterranean, 1250-1530 (à paraître).
Le grand Burundun-Burunda est mort | El gran Burundún-Burundá ha muerto
Édition bilingue français-espagnol
« C’est un poème culte, l’un de ces joyaux presque secrets, de ces curiosités qu’on se refile sous le manteau entre zélotes d’une ‹ étrange confrérie › ». Patrick Deville résume en ces quelques mots l’aura mystérieuse de ce texte, inventaire des suppôts de la tyrannie réunis là, sous la plume de Jorge Zalamea et sur la plus longue et la plus large avenue du monde, pour le dernier voyage du Grand Burundun-Burunda, celui dont la volonté les a tous réduits au mutisme.
Jorge Zalamea (1905-1969), journaliste, écrivain, traducteur et critique théâtral colombien quitte Bogota en 1951 pour raisons politiques et écrit Le grand Burundun-Burunda est mort un an plus tard, depuis son exil de Buenos Aires. Pleinement universel, ce texte que l’auteur qualifie de forme hybride du récit, entre poème et pamphlet, nous rappelle l’incroyable richesse de la langue et la valeur essentielle des mots. Il n’est pas étonnant que Zalamea souhaitât qu’il fût déclamé plutôt que lu.
Ut pictura poesis
Ut pictura poesis : la formule d’Horace (« la poésie est comme la peinture ») a été paradoxalement inversée par les hommes de la Renaissance et de l’Âge classique. Pendant trois siècles, de Léonard à Reynolds, la peinture s’est flattée d’être « comme la poésie » : subordonnée à la littérature, dont elle a tiré ses sources d’inspiration et sa raison d’être.
Cette rencontre se défait au dix-huitième siècle : affirmation d’un réalisme qui entend puiser ses thèmes directement dans la nature ; théories du génie et du sublime qui autorisent les excès de l’expression individuelle ; travail des philosophes qui, tel Lessing (1766), veulent dégager la spécificité de chaque pratique artistique ; autonomie croissante des constituants picturaux : couleur, texture, surface, etc.
Pour nous conter l’histoire de cette transformation, l’auteur procède par rapprochements, citations, références ; il explicite tour à tour la théorie de l’art en Italie (de Dolce à Bellori), la doctrine de l’Académie et de ses adversaires (Félibien, De Piles, Du Bos), enfin les débats en Angleterre autour du magistère de Reynolds à l’aube du romantisme.
Rensselaer W. Lee (1898-1984), ancien élève de Panofsky et W. Friedlaender, professeur à Columbia et à l’université de New York, était un spécialiste de la Renaissance et du Baroque. Maurice Brock, qui a traduit et mis à jour l’ouvrage de Lee, enseigne l’histoire de l’art à l’université François Rabelais de Tours.