1839. Daguerre, Talbot et la publication de la photographie Éditions Macula1839. Daguerre, Talbot et la publication de la photographie Éditions Macula1839. Daguerre, Talbot et la publication de la photographie Éditions Macula1839. Daguerre, Talbot et la publication de la photographie Éditions Macula1839. Daguerre, Talbot et la publication de la photographie Éditions Macula1839. Daguerre, Talbot et la publication de la photographie Éditions Macula

1839. Daguerre, Talbot et la publication de la photographie


Paris, 7 janvier 1839. L’homme politique et célèbre scientifique François Arago fait une communication devant l’Académie des sciences à propos d’un nouveau procédé, inventé par Louis Daguerre, qui permet de fixer les images se formant au foyer d’une chambre obscure. Immédiatement, le monde tend l’oreille et en quelques jours, avant que quiconque ait eu l’occasion de voir un daguerréotype, la nouvelle selon laquelle la science permet désormais de reproduire la nature se répand d’un bout à l’autre de l’Europe et atteint l’Amérique. Pris de vitesse, William Henry Fox Talbot qui, en Grande-Bretagne, a produit ses premiers « dessins photogéniques » quelques années auparavant, s’empresse alors de rendre son procédé public.

À partir de cette date, de nombreux acteurs, qu’ils soient savants, journalistes, artistes ou voyageurs, contribuent à inventer des métaphores, établir des comparaisons, forger des concepts et élaborer des raisonnements – en bref à instituer les canons et les cadres de référence du discours sur la photographie.

Cette anthologie se concentre sur les écrits provenant des deux pays d’origine des premiers procédés photographiques, la France et la Grande-Bretagne, et rédigés en cette année 1839 ou juste avant. Des textes parus dans l’espace germanophone et aux États-Unis les complètent, attestant ainsi la rapide diffusion de la photographie et de son discours.

Le lecteur découvre la profusion des motifs et des intérêts, des attentes et des promesses, des espoirs et des craintes qui se sont attachés à ce nouveau médium au moment de sa révélation au public.

Steffen Siegel est professeur de théorie et d’histoire de la photographie depuis 2015 à la Folkwang Universität der Künste d’Essen. Pendant l’année 2019-2020, il est Ailsa Mellon Bruce senior fellow à la National Gallery of Art de Washington, D.C. Parmi ses nombreuses publications, citons : Fotogeschichte aus dem Geist des Fotobuchs, Göttingen, 2019 ; Gegenbilder. Counter-Images, Vienne, 2016.


Écrits choisis des années 1940 & Art et Culture


Clement Greenberg (1909-1994) est une figure essentielle de la critique d’art au XXe siècle. Dire que son premier article, « Avant-garde et kitsch », paraît dans une revue new-yorkaise de gauche à l’automne 1939, alors que le jeune homme rentre d’un voyage dans une Europe sous très haute tension, c’est planter le décor où sa réflexion esthétique s’est façonnée et va bientôt s’affirmer : l’art du vieux continent d’un côté, de l’autre les courants qui se feront jour aux États-Unis après la guerre. Dialogue ou confrontation, le critique ne cessera d’en scruter les tenants et les aboutissants, le jeu complexe des influences, des dépassements, des continuités, des ruptures.

Pour élaborer sa pensée, Greenberg dispose de deux outils formidablement acérés : un regard et une écriture. Sa capacité à traduire avec tant d’exacte justesse ce que son œil sait voir continue d’étonner. Aussi représente-t-il, plus que ses rivaux Alfred Barr, Harold Rosenberg ou Meyer Schapiro, l’emblème du « formalisme américain ». Mais le portrait ne serait pas complet si l’on n’y ajoutait un goût certain pour la dispute. Cette pugnacité, le critique la met au service d’une cause dont il devient le champion : l’art abstrait, tel qu’il surgit sur la scène new-yorkaise dans les années 1940 et 1950, incarné au premier chef par Jackson Pollock en peinture ou David Smith en sculpture. L’importance de Greenberg est donc historique : il est à la fois l’observateur et l’artisan de la bascule qui s’opère à ce moment-là, Paris cédant à New York sa place de capitale artistique mondiale.
En 1961, Greenberg reprend trente-sept de ses essais pour les publier en recueil. Art et Culture met la dernière touche à son image de censeur aux jugements incisifs, péremptoire et arrogant. Le livre suscite un débat passionné et l’on se définira désormais pour ou contre Greenberg, qu’il s’agisse des critiques qui en récusent (Rosalind Krauss) ou en recueillent (Michael Fried) l’héritage, ou des tendances qui se dessinent alors aux États-Unis, art minimal, conceptuel ou Pop Art. Le volume paraît en français en 1988, aux éditions Macula.

En donner aujourd’hui une nouvelle édition augmentée et annotée, c’est d’abord vouloir nuancer cette représentation exagérément rigide. Les Écrits choisis des années 1940 nous font voir une pensée en gestation, ouverte aux repentirs, soucieuse d’affiner son vocabulaire et ses concepts. Greenberg, qui s’est toujours proclamé autodidacte, n’hésite pas à réviser sa copie. C’est ce que montre avec brio l’appareil critique de Katia Schneller, qui révèle, au prix d’une analyse comparative minutieuse, tout ce que l’édifice greenbergien doit à l’exercice du doute. En résulte une image insolite, plus subtile mais toujours vigoureuse : celle d’un intellectuel enthousiasmant et volontiers batailleur.

Katia Schneller est docteure en histoire de l’art, professeure d’histoire et théorie des arts à l’ÉSAD – Grenoble – Valence et chercheuse associée à l’HiCSA de l’université Paris I – Panthéon | Sorbonne, l’EA1279 de Rennes 2 et le CERCC de l’ENS de Lyon. Une partie de ses recherches porte sur l’art et la critique d’art des États-Unis de la seconde moitié du XXe siècle. Elle a publié Robert Morris sur les traces de Mnémosyne (Paris, ENS LSH / Éditions des Archives contemporaines, 2008) et a été codirectrice des ouvrages Au nom de l’art, enquête sur le statut ambigu des appellations artistiques de 1945 à nos jours (Paris, Publications de la Sorbonne, 2013), Investigations, ‘Writing in the Expanded Field’ in the Work of Robert Morris (Lyon, ENS éditions, 2015) et Le Chercheur et ses doubles (Paris, B42, 2016). Elle est cofondatrice de la plateforme de recherche « Pratiques d’hospitalité ».


Art incendiaire


Grandioses, sublimes, magnifiques, mais aussi effrayants, bruyants et parfois ratés, les feux d’artifice sont surtout éphémères. Dès lors, il convient de trouver une manière de les figer.
La première partie de l’ouvrage de Kevin Salatino aborde la représentation des feux d’artifice, éléments paroxystiques des fêtes du XVe au XVIIIe siècle en Europe. Hautement politiques, ils sont l’instrument de rayonnement de la puissance des États, mais leur valeur de propagande tient moins dans le spectacle lui-même que dans sa « traduction » sous forme de gravures, dessins, livres illustrés ou peintures. Ceux-ci, comptes rendus, fastueux et luxuriants de détails, disséminés à travers l’Europe, s’avéraient particulièrement efficaces pour immortaliser l’événement. C’est sur cette riche documentation que se penche l’auteur, décryptant pour nous l’extraordinaire variété des langages formels développés par les artistes afin de saisir le volatile, le fugace, l’éphémère.
L’auteur consacre la seconde partie d’Art incendiaire aux feux d’artifice et à la théorie du sublime codifiée par Edmund Burke au milieu du XVIIIe siècle. La peur (attisée par les bruits épouvantables des explosions), mêlée au plaisir suscité par ces œuvres d’art et leur magnificence, provoque le sublime. Comment, dès lors, ne pas rapprocher les feux d’artifice des éruptions volcaniques, terrifiantes mais si magnifiques, pourvoyeuses de sublime ? La littérature aussi a usé de l’artifice et de son feu et nombreux sont les écrivains qui, comme Goethe, en ont pris prétexte pour éveiller l’idée érotisante d’explosion extatique.
Kevin Salatino montre ainsi qu’au début des Temps modernes, en Europe, les feux d’artifice étaient porteurs d’une pluralité de sens, parmi lesquels une manifestation du politique, de la poétique et de l’érotique.
Kevin Salatino écrit Art incendiaire. La représentation des feux d’artifice en Europe au début des Temps modernes en 1997, alors qu’il est conservateur du Département des arts graphiques au Getty Research Institute. Il prendra ensuite en 2000 la tête du Département des imprimés et des dessins au Los Angeles County Museum of Art, puis en 2009 du Bowdoin College Museum of Art de Brunswick (Maine) avant de devenir, en 2012, directeur des Art Collections du Huntington Library, Art Collections and Botanical Gardens, à San Marino (Californie), poste qu’il occupe aujourd’hui.


Poétique du banc


Le banc. On s”y assied, en général, sans trop y réfléchir, dans ces moments indispensables de relâchement ; on s’y repose, on revient à soi, on se soustrait l’espace d’un instant à l’effort permanent de se relier au monde. Mais on ne le regarde pas. Or c’est en partie lui qui oriente et dirige notre regard et mérite donc toute notre attention.
L’Antiquité connaissait déjà les bancs publics – et les vestiges de Pompéi ou d’Agrigente sont précieux à cet égard. C’est cependant en Toscane, au sein des nouveaux espaces urbains du XIIIe et du XIVe siècles, que les bancs, les panche di via, acquièrent un rôle majeur et trop souvent négligé. Michael Jakob brosse un panorama poétique et érudit de bancs célèbres qui, posés à des endroits privilégiés ou non, deviennent lieux de pouvoir et de mises en scène du regard : le banc des mères de famille, placé face à l’Île des Peupliers où était inhumé Jean-Jacques Rousseau, à Ermenonville ; les étranges bancs de Bomarzo, le célèbre « parc des monstres » près de Viterbe, qui orientent la découverte de scènes fantastiques ; le banc préféré de Lénine dans sa datcha de Gorki ; le banc serpentin du parc Güell, à Barcelone…
Afin d’en dégager toute la richesse expressive, l’auteur interroge aussi les représentations du banc, qu’elles soient littéraires (le banc de La Nausée de Sartre, les nombreux bancs de L’Arrière-saison de Stifter), picturales (les bancs de la campagne anglaise peinte par Gainsborough, ceux de Manet, Monet, van Gogh) ou cinématographiques (le banc de la scène finale de L’Avventura d’Antonioni).
Il compose ainsi une histoire originale qui changera définitivement le regard que nous portons sur cet objet, ponctuation visuelle et symbolique de nos paysages.

Michael Jakob est professeur de théorie et histoire du paysage à la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture (Hepia), Genève, professeur de littérature comparée à l’université de Grenoble et chargé de cours à l’EPFL.