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Décamérez !


Tout part du désir de voir la vie triompher. Dans son Décaméron, Boccace avait emmené à la campagne une petite compagnie de dix personnes souhaitant tenir à distance la peste noire qui décimait Florence. Chacun, chaque jour, s’était engagé à faire oublier les ravages de l’épidémie par la grâce de la parole et de la musique, à divertir l’auditoire par une nouvelle.

Nathalie Koble reprend le flambeau des conteurs de Boccace en nous livrant une re-création de plus de cinquante nouvelles du Décaméron. Il s’est agi pour elle de retrouver la spontanéité de la « conversation conteuse » pour nous la restituer dans une langue inventive et joyeuse. On l’aura compris, ce Décamérez ! est fortement lié à la pandémie qui a marqué 2020 et au confinement vécu par certains comme un véritable enfermement. À son tour, Nathalie Koble a donc réuni une belle compagnie de lecteurs et de lectrices à qui elle offre ces nouvelles quotidiennes – une par jour de confinement – comme autant de fenêtres ouvertes sur le monde et les hommes.
Des fables polissonnes, gaies, tragiques, exaltantes, affligeantes, où il est question de gelinottes et de chapons, de seigneurs et de palefrois, de baldaquins et de tapis volant, de pierres précieuses et de pirates. Et des amours, heureuses, malheureuses, jouissives, cruelles, partagées, intéressées. La vie en somme, la fenêtre grande ouverte.

Les 55 nouvelles qui composent cet ouvrage sont accompagnées d’une iconographie mêlant savamment miniatures du Moyen Âge et oeuvres contemporaines ainsi que de suggestions musicales de l’auteur.

Nathalie Koble est maîtresse de conférences à l’École normale supérieure (Paris) et à l’École polytechnique (Palaiseau), où elle enseigne la langue française et la littérature du Moyen Âge. Ses travaux portent sur la mémoire inventive de la littérature médiévale (poésie et fictions), et sur la traduction et la pratique de la poésie. Parmi ses dernières parutions : Drôles de Valentines. La tradition poétique de la Saint-Valentin, Genève, Héros-Limite, 2016 ; avec Mireille Séguy, Lais bretons. Marie de France et ses contemporains, Paris, Champion, 2018 et Jacques Roubaud médiéviste (dir.), Paris, Champion, 2018 ; Donner suite. Les Suites du Merlin en prose : des romans de lecteurs, Paris, Champion, 2020.

Tiphaine Samoyault est professeure de littérature générale et comparée à la Sorbonne Nouvelle. Écrivain et critique littéraire, elle a publié une dizaine de récits et d’essais et une biographie consacrée à Roland Barthes (Seuil, 2015). En 2020 elle a publié Violence et Traduction (Seuil). Elle est directrice éditoriale de la revue en ligne En attendant Nadeau.


L’Industrie d’art romaine tardive


En 1901 paraît à Vienne Spätrömische Kunstindustrie, l’un des ouvrages phares de l’historien de l’art viennois Alois Riegl (1858-1905). La lecture de ce livre a fait dire à Julius von Schlosser, biographe éclairé de Riegl, qu’il cache, « sous son titre plus qu’insignifiant, la première présentation géniale de cette ‹ Antiquité tardive › qui est le prélude en Occident et en Orient de l’art ‹ médiéval › et indépendamment de laquelle on ne saurait comprendre ce dernier ».
Il est vrai que ce texte, traduit aujourd’hui pour la première fois en français, sous le titre L’Industrie d’art romaine tardive, dépasse les seuls thèmes de l’Antiquité tardive et de l’industrie d’art pour aboutir à une véritable histoire de la naissance de l’espace.
Riegl dresse tout d’abord un large panorama de l’architecture, de la sculpture et de la peinture (fresques et mosaïques), de Constantin à Charlemagne, posant les fondements de sa conception de l’évolution artistique – dans laquelle il perçoit non pas une « décadence », notion qu’il récuse, mais ce qu’il appelle un Kunstwollen, un vouloir artistique.
L’auteur s’appuie ensuite sur une étude minutieuse d’objets issus de l’industrie d’art proprement dite, principalement la bijouterie et le travail sur métal, pour illustrer les grandes lignes de sa théorie : à un certain moment, l’ombre d’un corps s’émancipe pour devenir ombre spatiale, et c’est là, dans cette évolution de la perception de la profondeur et de l’espace, dans le passage de la main à l’oeil (de l’« haptique » à l’ « optique »), que se joue l’un des moments les plus importants de toute l’histoire de l’art.
Alois Riegl, l’un des membres, avec Franz Wickhoff, de la première École viennoise d’histoire de l’art, auteur de Questions de style et du Culte moderne des monuments, est l’un des auteurs actuellement les plus « vivants » de cette génération née à Vienne au milieu du XIXe siècle.

Riegl et ses écrits ont largement dépassé le seul cercle de l’histoire de l’art. Walter Benjamin l’a défini comme une référence majeure, le philosophe Georg Lukács le considère comme l’un des« historiens réellement importants du XIXe siècle » ; le philosophe Ernst Bloch, le sociologue Karl Mannheim, les architectes Walter Gropius et Peter Behrens : tous se réfèrent à Riegl.
En France aussi, même sans avoir été traduit, ce livre et ses idées ont agi, notamment grâce au travail de passeur du phénoménologue Henri Maldiney, l’un des meilleurs lecteurs de Riegl. Gilles Deleuze et Félix Guattari, Jacques Derrida, Hubert Damisch, Daniel Arasse l’ont lu et ont perçu sa portée.
Le moment est venu de découvrir enfin dans le texte cet ouvrage qui, depuis sa parution à l’orée du XXe siècle, n’a cessé d’inspirer les meilleurs esprits.

Christopher S. Wood est Carnegie Professor d’histoire de l’art à l’Université de Yale. Il est notamment l’auteur de Forgery, Replica, Fiction: Temporalities of German Renaissance Art (Chicago Press, 2008) qui a reçu le Susanne M. Glasscock Humanities Book Prize for Interdisciplinary Scholarship.

Emmanuel Alloa est maître de conférences en philosophie à l’Université de Saint-Gall en Suisse. Il est notamment l’auteur de La Résistance du sensible (Éditions Kimé, 2008) et Das durchscheinende Bild (Diaphanes, 2011).


L’Enluminure médiévale


L’enluminure tient tout ensemble de l’expérience visuelle et de la quête spirituelle. Elle a trouvé en Otto Pächt un analyste incomparable. Dans ce livre, qui concentre quarante années de recherches, l’auteur commence par affirmer le caractère autonome de l’enluminure – forme majeure de l’histoire de l’art, tout comme la peinture de chevalet ou la fresque. L’enluminure n’est pas « une grande peinture à échelle réduite » ; elle relève du grand art.

Examinant méthodiquement les deux cent quarante-deux illustrations – pour la plupart peu connues – reproduites dans l’ouvrage, Otto Pächt montre comment les représentations du monde extérieur, les signes sacrés (monogrammes, symboles), la configuration des lettres (jambages, hampes, panses, ligatures) et les constituants picturaux (surface, bordure, couleur, texture) se conjuguent dans l’espace du livre – lequel est à la fois réceptacle de la Parole et lieu de l’émotion du fidèle.

Pour Otto Pächt, l’image médiévale ressortit à la « pensée visuelle » : au-delà de son message narratif, elle pense par elle-même, elle fait sens par sa structure, ses tensions, ses apories, ses transgressions. En quoi elle interroge le statut de l’image en général, fût-ce l’image moderne.