Les Cabinets d’art et de merveilles de la Renaissance tardive
En 1908, au moment où paraît à Leipzig Les Cabinets d’art et de merveilles de la Renaissance tardive. Une contribution à l’histoire du collectionnisme, Julius von Schlosser n’a pas encore accepté la chaire d’histoire de l’art de Vienne, ce qu’il fera en 1922. Conservateur au Kunsthistorisches Museum de Vienne entre 1889 et 1922, c’est en homme de musée – au contact direct des objets – qu’il rédige ce livre.
Schlosser retrace la genèse de ces chambres de merveilles pour s’acheminer vers les formes modernes auxquelles elles ont abouti, les musées. De façon inattendue, il débute son étude avec les tatouages et autres ornements corporels : comme il le dit, « l’homme primitif se déplace avec sa propre collection de trésors partout où il va ». Initié aux notions de collection et de possession, le lecteur assiste au passage de la collection personnelle, réservée à l’espace privé, à une collection qui s’ouvre au public.
Le lecteur suit Schlosser dans ses pérégrinations européennes, alors qu’il passe en revue les différentes façons de montrer l’art, de la Grèce antique au début du XXe siècle européen. C’est avec une jouissance et une gourmandise évidentes qu’il révèle à nos yeux émerveillés des objets parfois mystérieux, parfois prodigieux, certains d’une finesse inégalée, que les collectionneurs d’alors se disputent. Luxueux, inutiles, dérisoires ou macabres – Passion sculptée dans un noyau de pêche, portraits des nains de cour, chefs-d’œuvre d’ivoire tourné, etc. – c’est toute une société d’objets disponibles à la fantasmagorie qui surgit.
La préface de Patricia Falguières replace ce texte fondamental dans son contexte historique et artistique. Puis sa postface en brosse les derniers traits et établit le lien entre ces chambres de merveilles et notre conception actuelle de l’exposition.
Histoire du portrait en cire
De l’Antiquité romaine aux derniers Habsbourg, ce livre retrace l’histoire d’une pratique : l’effigie par empreinte, qui a joué un rôle considérable dans l’évolution du portrait occidental vers le réalisme.
Schlosser a su, le premier parmi les historiens d’art, isoler cette activité multiséculaire : le moulage du mort ou du vif. Aux confins de l’art et du relevé anatomique, du solennel et du domestique, de l’ex-voto et de la relique, de la ressemblance et de la présence, l’effigie, obtenue par contact avec le corps même du modèle, nous révèle l’inconscient animiste et donc l’inquiétante étrangeté de tout portrait.
Dans sa postface, Thomas Medicus analyse l’époque et le milieu (la Vienne de Freud, la fin de l’Empire austro-hongrois) où Schlosser a élaboré sa réflexion sur le portrait en cire. Réflexion déclenchée de toute évidence par l’avènement et l’expansion de la photographie.
En appendice, un texte inédit en français de G. E. Lessing : « Des portraits d’ancêtres chez les Romains ».
Julius von Schlosser (1866-1938), un des principaux historiens d’art de l’école de Vienne, est surtout célèbre en France pour sa compilation monumentale : La Littérature artistique (Flammarion). Par-delà une connaissance approfondie des objets qu’il analyse (nourrie de son expérience de conservateur au Kunsthistorisches Museum), Schlosser impressionne par sa capacité à inventer ses champs d’investigation : cabinets de merveilles, art de cour à la fin du Moyen Âge, romanité et barbarie, etc. Rare exemple d’imagination théorique greffée sur un savoir factuel.