Idoles gothiques
Le livre de Michael Camille examine les représentations du culte des idoles au Moyen Âge. L’auteur dévoile le fondement idéologique des œuvres chrétiennes (peintures, statues, enluminures) qui décrivaient l’adoration des faux dieux aux XIII et XIVe siècles. En montrant que la critique des images idolâtres visait indirectement tous ceux que l’Église condamnait – païens, musulmans, juifs, hérétiques, homosexuels – Michael Camille met en évidence la façon dont la société médiévale envisageait à la fois l’autre et elle-même.
Il associe la condamnation des images d’idolâtrie à la prolifération figurative propre à l’âge gothique, en un temps où les églises abondaient en reliques miraculeuses, statues et autres œuvres « réalistes ».
Les autorités ecclésiastiques se servirent de la notion d’idolâtrie pour combattre certains changements sociaux parmi les plus complexes de la période, en particulier ceux qui résultaient de la sécularisation croissante de la société.
Michael Camille étudie l’usage des images sacrées par le pouvoir royal. Il analyse les conventions de l’amour courtois dans lesquelles les femmes étaient idéalisées comme des objets de désir inaccessibles et simultanément dénigrées par l’Église comme créatures perverses.
En s’efforçant de donner vie à l’image gothique, Michael Camille montre le bon usage qu’on peut faire des images pour explorer les attitudes et les croyances d’une société.
La postface de Patrick Boucheron permet de situer justement la place du chercheur, Michael Camille, à l’époque de la publication de ce texte comme dans la recherche actuelle. Elle rend magnifiquement compte de l’actualité du texte de Camille sur la complexité de vivre avec cet « Autre » – dans la société médiévale comme dans notre époque actuelle.
Michael Camille, d’origine anglaise, a enseigné l’histoire de l’art du Moyen Âge à l’université de Chicago de 1985 à 2002, date de sa mort. Ancien étudiant de Cambridge, il a écrit de nombreux articles ainsi que 6 ouvrages dont le plus connu, Les Images dans les marges a paru en 1997 aux éditions Gallimard. Camille séjournait une partie de son temps en France, où il fut invité à l’EHESS.
Le Livre de la mémoire
Pour Mary Carruthers, qui traite de la transmission du savoir au Moyen Âge, le point de départ n’est ni le livre, ni l’image mais, en amont, la mémoire en tant que scène originelle où s’accumule l’archive et où, par divers protocoles précisément réglés, s’inventent les pensées nouvelles.
Dans l’immense tissu conjonctif de la mémoire médiévale circulent, épars, des textes – d’Aristote à Quintilien, d’Augustin à Thomas d’Aquin, des Psaumes à Chaucer. Les auteurs les confrontent, les rassemblent, les « rapiècent » in abstracto, avant de les coucher sur le vélin des manuscrits, selon des procédures parfois étrangement proches de nos manipulations informatiques.
Or, voici que le livre, à son tour, réactive l’appareil mnémonique, pointe dans la marge l’argument décisif (notae, tituli), accole texte et glose, suscite de nouveaux montages spéculatifs par l’efficience de la mise en page : « Le livre, écrit l’auteur, à la fois résulte de la mémoire et l’alimente. »
Médiéviste, spécialiste renommée des arts de la mémoire, Mary Carruthers est doyenne de la faculté des lettres, des arts et des sciences de l’université de New York. Elle a publié plusieurs ouvrages dont le dernier, Machina memorialis. a paru en 2002 chez Gallimard. Le Livre de la mémoire a été réimprimé huit fois en langue anglaise depuis 1992.